Faut-il que je sacre des évêques ?
Évidemment la question se pose. Pour continuer, faut-il que je sacre des évêques, ou faut-il que je laisse les séminaristes se débrouiller pour qu’après ma mort ils trouvent des évêques pour les ordonner ?
Je ne connais pas dans le monde un évêque qui accepterait de le faire, Plusieurs cardinaux et des évêques ont une certaine sympathie pour la Fraternité. Mais je ne crois pas que l’un ou l’autre accepterait d’ordonner nos séminaristes, de crainte des foudres de Rome. C’est pour avoir ordonné des prêtres que j’ai été illégalement et injustement frappé d’une mesure de suspense. A plus forte raison si je sacrais des évêques !
Dans le nouveau droit canon, l’excommunication est portée et sans doute n’est-ce pas un hasard. Cela n’a pas été fait sans penser à nous. Alors ces évêques n’oseront pas risquer d’être excommuniés.
Moi, cela ne me fait pas peur, car Rome nous traite déjà pratiquement comme si nous étions excommuniés. Que peut-on faire de plus contre nous.
A supposer que je sois excommunié, que nous soyons tous excommuniés, quel mal supplémentaire viendrait s’ajouter à ce que nous subissons déjà maintenant ? Nous ne pouvons plus aller dans les paroisses. On ne peut pas célébrer la messe dans une église. Si nous demandons une autorisation à un évêque pour une circonstance exceptionnelle, elle nous est refusée. Si nous voulons faire la moindre cérémonie dans un diocèse, des communiqués sont donnés à la presse, interdisant aux fidèles de s’y rendre : « Ils sont suspens! Ils sont en rupture avec Rome, contre Rome. Ils ne sont plus en communion avec le Pape ».
Une excommunication ne nous apporterait rien de plus, surtout si l’on veut bien considérer d’où elle viendrait. Être excommunié par des libéraux, par des modernistes, ce serait plutôt une marque d’orthodoxie. Cela prouverait que nous sommes demeurés dans la bonne ligne. Nous serions excommuniés parce que l’on ne pense pas comme eux. Eh bien oui, nous ne pensons pas comme eux. C’est vrai!
Nous nous trouvons donc dans une situation qui revêt un certain caractère d’urgence. Certes le Bon Dieu me laisse une assez bonne santé. Mais, les années passent et j’approche de la fin. Nos séminaires sont remplis de séminaristes, prêts à recevoir le sacerdoce. Alors devant ce refus qui nous est opposé de lever cette suspense, à laquelle ils croient, mais dont j’ai déjà prouvé qu’elle était illégale, nous sommes empêchés de poursuivre normalement l’œuvre de la Fraternité pourtant reconnue officiellement et en l’absence d’évêque qui puisse me remplacer, que faut-il faire ?
Dois-je ne rien faire et m’en remettre totalement à la grâce de Dieu, à la Providence : arrivera ce qui arrivera ; ou bien dois-je considérer qu’il est de mon devoir de sacrer quelques évêques pour permettre au sacerdoce catholique de continuer afin de sauver les âmes ?
C’est pourquoi, avec Mgr de Castro Mayer, lors de notre dernière rencontre en Argentine, nous n’avons pas écarté cette éventualité.
Naturellement on peut rétorquer que pour sacrer des évêques qui aient la succession apostolique, il faut l’autorisation de Rome. C’est vrai. Et pourquoi n’aurions-nous pas cette autorisation ? Non pas parce que ce que nous ferions serait mauvais, mais parce que ce serait contraire à l’orientation actuelle moderniste et libérale de Rome. « Vous allez faire des évêques traditionnels, pour ordonner des prêtres traditionnels. Nous n’en voulons plus. Nous voulons des prêtres qui soient dans l’esprit de Vatican II ».
On peut conclure de cette opposition radicale, qu’il est impossible d’accéder moralement au Pape – physiquement bien sûr c’est toujours possible – mais moralement, parce qu’il est orienté vers l’application du Concile et ses conséquences. C’est son œuvre. C’est son but. Il est inutile d’essayer de placer la tradition dans son esprit.